La crypte, si vaste qu'elle fût, aurait été entièrement noyée. Pas un des habitants de la Nouvelle-Aberfoyle n'eût échappé à la mort.
Mais, au moment où les premiers fuyards atteignaient l'orifice du tunnel, ils se trouvèrent en face de Simon Ford, qui avait aussitôt quitté le cottage.
« Arrêtez, arrêtez, mes amis ! leur cria le vieil overman. Si notre cité devait être envahie, l'inondation courrait plus vite que vous, et personne ne lui échapperait ! Mais les eaux ne croissent plus ! Tout danger paraît être écarté.
-- Et nos compagnons qui sont occupés aux travaux du fond ? s'écrièrent quelques-uns des mineurs.
-- Il n'y a rien à craindre pour eux, répondit Simon Ford. L'exploitation se fait à un étage supérieur au lit du lac ! »
Les faits devaient donner raison au vieil overman. L'envahissement de l'eau s'était produit subitement; mais, réparti à l'étage inférieur de la vaste houillère, il n'avait eu d'autre effet que de surélever de quelques pieds le niveau du lac Malcolm. Coal-city n'était donc pas compromise, et l'on pouvait espérer que l'inondation, entraînée dans les plus basses profondeurs de la houillère, encore inexploitées, n'aurait fait aucune victime.
Quant à cette inondation, si elle était due à l'épanchement d'une nappe intérieure à travers les fissures du massif, ou si quelque cours d'eau du sol s'était précipité par son lit effondré jusqu'aux derniers étages de la mine, Simon Ford et ses compagnons ne pouvaient le dire. Quant à penser qu'il s'agissait là d'un simple accident, tel qu'il s'en produit quelquefois dans les charbonnages, cela ne faisait doute pour personne.
Mais, le soir même, on savait à quoi s'en tenir. Les journaux du comté publiaient le récit de cet étrange phénomène, dont le lac Katrine avait été le théâtre. Nell, Harry, James Starr et Jack Ryan, qui étaient revenus en toute hâte au cottage, confirmaient ces nouvelles, et apprenaient, non sans grande satisfaction, que tout se bornait à des dégâts matériels dans la Nouvelle-Aberfoyle.
Ainsi donc, le lit du lac Katrine s'était subitement effondré. Ses eaux avaient fait irruption à travers une large fissure jusque dans la houillère. Au lac favori du romancier écossais, il ne restait plus de quoi mouiller les jolis pieds de la Dame du Lac, -- du moins dans toute sa partie méridionale. Un étang de quelques acres, voilà à quoi il était réduit, là où son lit se trouvait en contrebas de la portion effondrée.
Quel retentissement eut cet événement bizarre ! C'était la première fois, sans doute, qu'un lac se vidait en quelques instants dans les entrailles du sol. Il n'y avait plus, maintenant, qu'à rayer celui-ci des cartes du Royaume-Uni, jusqu'à ce qu'on l'eût rempli de nouveau -- par souscription publique --, après avoir préalablement bouché la fissure. Walter Scott en fût mort de désespoir, -- s'il eût encore été de ce monde !
Après tout, l'accident était explicable. En effet, entre la profonde cavité et le lit du lac, l'étage des terrains secondaires se réduisait à une mince couche, par suite d'une disposition géologique particulière du massif.
Mais, si cet éboulement semblait être dû à une cause naturelle, James Starr, Simon et Harry Ford se demandèrent, eux, s'il ne fallait pas l'attribuer à la malveillance. Les soupçons étaient revenus avec plus de force à leur esprit. Le génie malfaisant allait-il donc recommencer ses entreprises contre les exploitants de la riche houillère ?
Quelques jours après, James Starr en causait au cottage avec le vieil overman et son fils.
« Simon, dit-il, suivant moi, bien que le fait puisse s'expliquer de lui-même, j'ai comme un pressentiment qu'il rentre dans la catégorie de ceux dont nous recherchons encore la cause !
-- Je pense comme vous, monsieur James, répondit Simon Ford; mais, si vous m'en croyez, n'ébruitons rien et faisons notre enquête nous-mêmes.
-- Oh ! s'écria l'ingénieur, j'en connais le résultat d'avance !
-- Eh ! quel sera-t-il ?
-- Nous trouverons les preuves de la malveillance, mais non le malfaiteur !
-- Cependant il existe ! répondit Simon Ford.