Devant eux, entre de grands arbres, se développait une route qui conduisait aux rives du Forth.
La première impression physique qu'éprouva la jeune fille, fut celle de l'air pur que ses poumons aspirèrent avidement.
« Respire bien, Nell, dit James Starr, respire cet air chargé de toutes les vivifiantes senteurs de la campagne !
-- Quelles sont ces grandes fumées qui courent au-dessus de notre tête ? demanda Nell.
-- Ce sont des nuages, répondit Harry, ce sont des vapeurs à demi condensées que le vent pousse dans l'ouest.
-- Ah ! fit Nell, que j'aimerais à me sentir emportée dans leur silencieux tourbillon ! -- Et quels sont ces points scintillants qui brillent à travers les déchirures des nuées ?
-- Ce sont les étoiles dont je t'ai parlé, Nell. Autant de soleils, autant de centres de mondes, peut-être semblables au nôtre ! » Les constellations se dessinaient plus nettement alors sur le bleu-noir du firmament, que le vent purifiait peu à peu.
Nell regardait ces milliers d'étoiles brillantes qui fourmillaient au-dessus de sa tête.
« Mais, dit-elle, si ce sont des soleils, comment mes yeux peuvent-ils en supporter l'éclat ?
-- Ma fille, répondit James Starr, ce sont des soleils, en effet, mais des soleils qui gravitent à une distance énorme. Le plus rapproché de ces milliers d'astres, dont les rayons arrivent jusqu'à nous, c'est cette étoile de la Lyre, Wega, que tu vois là presque au zénith, et elle est encore à cinquante mille milliards de lieues. Son éclat ne peut donc affecter ton regard. Mais notre soleil se lèvera demain à trente-huit millions de lieues seulement, et aucun oeil humain ne peut le regarder fixement, car il est plus ardent qu'un foyer de fournaise. Mais viens, Nell, viens ! »
On prit la route. James Starr tenait la jeune fille par la main. Harry marchait à son côté. Jack Ryan allait et venait comme eût fait un jeune chien, impatient de la lenteur de ses maîtres.
Le chemin était désert. Nell regardait la silhouette des grands arbres que le vent agitait dans l'ombre. Elle les eût volontiers pris pour quelques géants qui gesticulaient. Le bruissement de la brise dans les hautes branches, le profond silence pendant les accalmies, cette ligne d'horizon qui s'accusait plus nettement, lorsque la route coupait une plaine, tout l'imprégnait de sentiments nouveaux et traçait en elle des impressions ineffaçables. Après avoir interrogé d'abord, Nell se taisait, et, d'un commun propos, ses compagnons respectaient son silence. Ils ne voulaient point influencer par leurs paroles l'imagination sensible de la jeune fille. Ils préféraient laisser les idées naître d'elles-mêmes en son esprit.
A onze heures et demie environ, la rive septentrionale du golfe de Forth était atteinte.
Là, une barque, qui avait été frétée par James Starr, attendait. Elle devait, en quelques heures, les porter, ses compagnons et lui, jusqu'au port d'Edimbourg.
Nell vit l'eau brillante qui ondulait à ses pieds sous l'action du ressac et semblait constellée d'étoiles tremblotantes.
« Est-ce un lac ? demanda-t-elle.
-- Non, répondit Harry, c'est un vaste golfe avec des eaux courantes, c'est l'embouchure d'un fleuve, c'est presque un bras de mer. Prends un peu de cette eau dans le creux de ta main, Nell, et tu verras qu'elle n'est pas douce comme celle du lac Malcolm. »
La jeune fille se baissa, trempa sa main dans les premiers flots et la porta à ses lèvres.
« Cette eau est salée, dit-elle.
-Oui, répondit Harry, la mer a reflué jusqu'ici, car la marée est pleine. Les trois quarts de notre globe sont recouverts de cette eau salée, dont tu viens de boire quelques gouttes !
-- Mais si l'eau des fleuves n'est que celle de la mer que leur versent les nuages, pourquoi est-elle douce ? demanda Nell.
-- Parce que l'eau se dessale en s'évaporant, répondit James Starr. Les nuages ne sont formés que par l'évaporation et renvoient sous forme de pluie cette eau douce à la mer.
-- Harry, Harry ! s'écria alors la jeune fille, quelle est cette lueur rougeâtre qui enflamme l'horizon ? Est-ce donc une forêt en feu ? »
Et Nell montrait un point du ciel, au milieu des basses brumes qui se coloraient dans l'est.