Jules Verne

-- Mieux vaut avoir tort de faire que remords de n'avoir pas fait, dit Harry d'un ton décidé. Donc, demain matin, à six heures, et silence ! Adieu, Jack ! »

Et, pour ne pas continuer une conversation dans laquelle Jack Ryan eût encore essayé de combattre ses projets, Harry quitta brusquement son camarade et rentra au cottage.

Il faut, cependant, convenir que les appréhensions de Jack n'étaient point exagérées. Si quelque ennemi personnel menaçait Harry, s'il se trouvait au fond de ce puits où le jeune mineur allait le chercher, Harry s'exposait. Cependant, quelle vraisemblance d'admettre qu'il en fût ainsi ?

« Et, au surplus, répétait Jack Ryan, pourquoi se donner tant de mal pour expliquer une série de faits, qui s'expliquaient si aisément par une intervention surnaturelle des génies de la mine ? »

Quoi qu'il en soit, le lendemain, Jack Ryan et trois mineurs de sa brigade arrivaient en compagnie d'Harry à l'orifice du puits suspect.

Harry n'avait rien dit de son projet, ni à James Starr, ni au vieil overman. De son côté, Jack Ryan avait été assez discret pour ne point parler. Les autres mineurs, en les voyant partir, avaient pensé qu'il ne s'agissait là que d'une simple exploration du gisement suivant sa coupe verticale.

Harry s'était muni d'une longue corde, mesurant deux cents pieds. Cette corde n'était pas grosse, mais elle était solide. Harry ne devant ni descendre ni remonter à la force des poignets, il suffisait que la corde fût assez forte pour supporter son poids. C'était à ses compagnons qu'incomberait la tâche de le laisser glisser dans le gouffre, à eux de l'en retirer. Une secousse, imprimée à la corde, servirait de signal entre eux et lui.

Le puits était assez large, ayant douze pieds de diamètre à son orifice. Une poutre fut placée en travers, comme un pont, de manière que la corde, en glissant à sa surface, pût se maintenir dans l'axe du puits. Précaution indispensable à prendre pour qu'Harry ne fût pas heurté, pendant la descente, aux parois latérales.

Harry était prêt.

« Tu persistes dans ton projet d'explorer cet abîme ? lui demanda Jack Ryan à voix basse.

-- Oui, Jack », répondit Harry.

La corde fut d'abord attachée autour des reins d'Harry, puis sous ses aisselles, afin que son corps ne pût basculer.

Ainsi maintenu, Harry était libre de ses deux mains. A sa ceinture, il suspendit une lampe de sûreté, à son côté, un de ces larges couteaux écossais qui sont engainés dans un fourreau de cuir.

Harry s'avança jusqu'au milieu de la poutre, autour de laquelle la corde fut passée.

Puis, ses compagnons le laissant glisser, il s'enfonça lentement dans le puits. Comme la corde subissait un léger mouvement de rotation, la lueur de sa lampe se portait successivement sur chaque point des parois, et Harry put les examiner avec soin.

Ces parois étaient faites de schiste houiller. Elles étaient assez lisses pour qu'il fût impossible de se hisser à leur surface.

Harry calcula qu'il descendait avec une vitesse modérée, environ un pied par seconde. Il avait donc possibilité de bien voir, facilité de se tenir prêt à tout événement.

Au bout de deux minutes, c'est-à-dire à une profondeur de cent vingt pieds à peu près, la descente s'était opérée sans incident. Il n'existait aucune galerie latérale dans la paroi du puits, lequel s'étranglait peu à peu, en forme d'entonnoir. Mais Harry commençait à sentir un air plus frais, qui venait d'en bas, -- d'où il conclut que l'extrémité inférieure du puits communiquait avec quelque boyau de l'étage inférieur de la crypte.

La corde glissait toujours. L'obscurité était absolue. Le silence, absolu aussi. Si un être vivant, quel qu'il fût, avait cherché refuge dans ce mystérieux et profond abîme, ou il n'y était pas alors, ou aucun mouvement ne trahissait sa présence.

Harry, plus défiant à mesure qu'il descendait, avait tiré le couteau de sa gaine, et il le tenait de sa main droite.

A une profondeur de cent quatre-vingts pieds, Harry sentit qu'il avait atteint le sol inférieur, car la corde mollit et ne se déroula plus. Harry respira un instant.