Jules Verne

Elphiston.

-- Harry ! Harry ! » s'écria Jack Ryan, en se précipitant sur le corps de son camarade.

C'étaient, en effet, l'ingénieur, Madge, Simon et Harry Ford, qui étaient étendus là, sans mouvement.

Mais, alors, l'un de ces corps se redressa, et l'on entendit la voix épuisée de la vieille Madge murmurer ces mots :

« Eux ! eux, d'abord ! »

Sir W. Elphiston, Jack Ryan, les agents, essayèrent de ranimer l'ingénieur et ses compagnons, en leur faisant avaler quelques gouttes de cordial. Ils y réussirent presque aussitôt. Ces infortunés, séquestrés depuis dix jours dans la Nouvelle-Aberfoyle, mouraient d'inanition.

Et, s'ils n'avaient pas succombé pendant ce long emprisonnement -- James Starr l'apprit à Sir W. Elphiston --, c'est que trois fois ils avaient trouvé près d'eux un pain et une cruche d'eau ! Sans doute, l'être secourable auquel ils devaient de vivre encore n'avait pas pu faire davantage !...

Sir W. Elphiston se demanda si ce n'était pas là l'oeuvre de cet insaisissable follet qui venait de les attirer précisément à l'endroit où gisaient James Starr et ses compagnons.

Quoi qu'il en soit, l'ingénieur, Madge, Simon et Harry Ford étaient sauvés. Ils furent reconduits au cottage, en repassant par l'étroite issue que le porteur du falot semblait avoir voulu indiquer à Sir W. Elphiston.

Et si James Starr et ses compagnons n'avaient pu retrouver l'orifice de la galerie que leur avait ouvert la dynamite, c'est que cet orifice avait été solidement bouché au moyen de roches superposées, que, dans cette profonde obscurité, ils n'avaient pu ni reconnaître ni disjoindre.

Ainsi donc, pendant qu'ils exploraient la vaste crypte, toute communication avait été volontairement fermée par une main ennemie entre l'ancienne et la Nouvelle-Aberfoyle !

XIII

Coal-city

Trois ans après les événements qui viennent d'être racontés, les Guides Joanne ou Murray recommandaient, « comme grande attraction », aux nombreux touristes qui parcouraient le comté de Stirling, une visite de quelques heures aux houillères de la Nouvelle-Aberfoyle.

Aucune mine, en n'importe quel pays du nouveau ou de l'ancien monde, ne présentait un plus curieux aspect.

Tout d'abord, le visiteur était transporté sans danger ni fatigue jusqu'au sol de l'exploitation, à quinze cents pieds au-dessous de la surface du comté.

En effet, à sept milles, dans le sud-ouest de Callander, un tunnel oblique, décoré d'une entrée monumentale, avec tourelles, créneaux et mâchicoulis, affleurait le sol. Ce tunnel, à pente douce, largement évidé, venait aboutir directement à cette crypte si singulièrement creusée dans le massif du sol écossais.

Un double railway, dont les wagons étaient mus par une force hydraulique, desservait, d'heure en heure, le village qui s'était fondé dans le sous-sol du comté, sous le nom un peu ambitieux peut-être de « Coal-city », c'est-à-dire la Cité du Charbon.

Le visiteur, arrivé à Coal-city, se trouvait dans un milieu où l'électricité jouait un rôle de premier ordre, comme agent de chaleur et de lumière.

En effet, les puits d'aération, quoiqu'ils fussent nombreux, n'auraient pas pu mêler assez de jour à l'obscurité profonde de la Nouvelle-Aberfoyle. Cependant, une lumière intense emplissait ce sombre milieu, où de nombreux disques électriques remplaçaient le disque solaire. Suspendus sous l'intrados des voûtes, accrochés aux piliers naturels, tous alimentés par des courants continus que produisaient des machines électromagnétiques -- les uns soleils, les autres étoiles -, ils éclairaient largement ce domaine. Lorsque l'heure du repos arrivait, un interrupteur suffisait à produire artificiellement la nuit dans ces profonds abîmes de la houillère.

Tous ces appareils, grands ou petits, fonctionnaient dans le vide, c'est-à-dire que leurs arcs lumineux ne communiquaient aucunement avec l'air ambiant. Si bien que, pour le cas où l'atmosphère eût été mélangée de grisou dans une proportion détonante, aucune explosion n'eût été à craindre.