Aussi l'agent électrique était-il invariablement employé à tous les besoins de la vie industrielle et de la vie domestique, aussi bien dans les maisons de Coal-city que dans les galeries exploitées de la Nouvelle-Aberfoyle.
Il faut dire, avant tout, que les prévisions de l'ingénieur James Starr -- en ce qui concernait l'exploitation de la nouvelle houillère -- n'avaient point été déçues. La richesse des filons carbonifères était incalculable. C'était dans l'ouest de la crypte, à un quart de mille de Coal-city, que les premières veines avaient été attaquées par le pic des mineurs. La cité ouvrière n'occupait donc pas le centre de l'exploitation. Les travaux du fond étaient directement reliés aux travaux du jour par les puits d'aération et d'extraction, qui mettaient les divers étages de la mine en communication avec le sol. Le grand tunnel, où fonctionnait le railway à traction hydraulique, ne servait qu'au transport des habitants de Coal-city.
On se rappelle quelle était la singulière conformation de cette vaste caverne, où le vieil overman et ses compagnons s'étaient arrêtés pendant leur première exploration. Là, au-dessus de leur tête, s'arrondissait un dôme de courbure ogivale. Les piliers qui le soutenaient allaient se perdre dans la voûte de schiste, à une hauteur de trois cents pieds, -- hauteur presque égale à celle du « Mammouth-Dôme », des grottes du Kentucky.
On sait que cette énorme halle -- la plus grande de tout l'hypogée américain -- peut aisément contenir cinq mille personnes. Dans cette partie de la Nouvelle-Aberfoyle, c'était même proportion et aussi même disposition. Mais, au lieu des admirables stalactites de la célèbre grotte, le regard s'accrochait ici à des intumescences de filons carbonifères, qui semblaient jaillir de toutes les parois sous la pression des failles schisteuses. On eût dit des rondes-bosses de jais dont les paillettes s'allumaient sous le rayonnement des disques.
Au-dessous de ce dôme s'étendait un lac comparable pour son étendue à la mer Morte des « Mammouth-Caves », -- lac profond dont les eaux transparentes fourmillaient de poissons sans yeux, et auquel l'ingénieur donna le nom de lac Malcolm.
C'était là, dans cette immense excavation naturelle, que Simon Ford avait bâti son nouveau cottage, et il ne l'eût pas échangé pour le plus bel hôtel de Princes-street, à Édimbourg. Cette habitation était située au bord du lac, et ses cinq fenêtres s'ouvraient sur les eaux sombres, qui s'étendaient au-delà de la limite du regard.
Deux mois après, une seconde habitation s'était élevée dans le voisinage du cottage de Simon Ford. Ce fut celle de James Starr. L'ingénieur s'était donné corps et âme à la Nouvelle-Aberfoyle. Il avait, lui aussi, voulu l'habiter, et il fallait que ses affaires l'y obligeassent impérieusement pour qu'il consentît à remonter au dehors. Là, en effet, il vivait au milieu de son monde de mineurs.
Depuis la découverte des nouveaux gisements, tous les ouvriers de l'ancienne houillère s'étaient hâtés d'abandonner la charme et la herse pour reprendre le pic ou la pioche. Attirés par la certitude que le travail ne leur manquerait jamais, alléchés par les hauts prix que la prospérité de l'exploitation allait permettre d'affecter à la main-d'oeuvre, ils avaient abandonné le dessus du sol pour le dessous, et s'étaient logés dans la houillère, qui, par sa disposition naturelle, se prêtait à cette installation.
Ces maisons de mineurs, construites en briques, s'étaient peu à peu disposées d'une façon pittoresque, les unes sur les rives du lac Malcolm, les autres sous ces arceaux, qui semblaient faits pour résister à la poussée des voûtes comme les contreforts d'une cathédrale. Piqueurs qui abattent la roche, rouleurs qui transportent le charbon, conducteurs de travaux, boiseurs qui étançonnent les galeries, cantonniers auxquels est confiée la réparation des voies, remblayeurs qui substituent la pierre à la houille dans les parties exploitées, tous ces ouvriers enfin, qui sont plus spécialement employés aux travaux du fond, fixèrent leur domicile dans la Nouvelle-Aberfoyle et fondèrent peu à peu Coal-city, située sous la pointe orientale du lac Katrine, dans le nord du comté de Stirling.