Sur le second point, néant non moins absolu. On ne retrouva ni herbes desséchées, ni fragments de bois, dont ce foyer, si intense, avait pourtant dû être largement alimenté pendant la nuit.
Quant au troisième point, il ne put être éclairci davantage. L'absence de toutes cendres, de tout résidu d'un combustible quelconque, ne permit pas même de retrouver l'endroit où le foyer avait dû être établi. Il n'existait aucune place noircie, ni sur la terre, ni sur la roche. Fallait-il donc en conclure que le foyer avait été tenu par la main de quelque malfaiteur ? C'était bien invraisemblable, puisque, au dire des témoins, la flamme présentait un développement gigantesque, tel que l'équipage du _Motala_ avait pu, malgré les brumes, l'apercevoir de plusieurs milles au large.
« Bon ! s'écria Jack Ryan, la Dame de feu sait bien se passer d'allumettes ! Elle souffle, cela suffit à embraser l'air autour d'elle, et son foyer ne laisse jamais de cendres ! »
Il résulta donc de tout ceci que les magistrats en furent pour leur peine, qu'une nouvelle légende s'ajouta à tant d'autres, légende qui devait perpétuer le souvenir de la catastrophe du _Motala_ et affirmer plus indiscutablement encore l'apparition des Dames de feu.
Cependant, un si brave garçon que Jack Ryan, et d'une si vigoureuse constitution, ne pouvait demeurer longtemps alité. Quelques foulures et luxations n'étaient pas pour le coucher sur le flanc plus qu'il ne convenait. Il n'avait pas le temps d'être malade. Or, lorsque ce temps-là manque, on ne l'est guère dans ces régions salubres des Lowlands.
Jack Ryan se rétablit donc promptement. Dès qu'il fut sur pied, avant de reprendre sa besogne à la ferme de Melrose, il voulut mettre certain projet à exécution. Il s'agissait d'aller faire visite à son camarade Harry, afin de savoir pourquoi celui-ci avait manqué à la fête du clan d'Irvine. De la part d'un homme tel qu'Harry, qui ne promettait jamais sans tenir, cette absence ne s'expliquait pas. Il était invraisemblable, d'ailleurs, que le fils du vieil overman n'eût pas entendu parler de la catastrophe du _Motala_ rapportée à grands détails par les journaux. Il devait savoir la part que Jack Ryan avait prise au sauvetage, ce qui en était advenu pour lui, et c'eût été trop d'indifférence de la part d'Harry que de ne pas pousser jusqu'à la ferme pour serrer la main de son ami Jack Ryan.
Si donc Harry n'était pas venu, c'est qu'il n'avait pu venir.
Jack Ryan eût plutôt nié l'existence des Dames de feu que de croire à l'indifférence d'Harry à son égard.
Donc, deux jours après la catastrophe, Jack Ryan quitta la ferme, gaillardement, comme un solide garçon qui ne se ressentait aucunement de ses blessures. D'un joyeux refrain lancé à pleine poitrine, il fit résonner les échos de la falaise, et se rendit à la gare du railway qui, par Glasgow, conduit à Stirling et à Callander.
Là, pendant qu'il attendait dans la gare, ses regards furent tout d'abord attirés par une affiche, reproduite à profusion sur les murs, et qui contenait l'avis suivant :
« Le 4 décembre dernier, l'ingénieur James Starr, d'Édimbourg, s'est embarqué à Granton-pier sur le _Prince de Galles_. Il a débarqué le même jour à Stirling. Depuis ce temps, on est sans nouvelles de lui.
« Prière d'adresser toute information le concernant au président de Royal Institution, à Édimbourg. »
Jack Ryan, arrêté devant une de ces affiches, la lut par deux fois, non sans donner les signes de la plus extrême surprise.
« Monsieur Starr ! s'écria-t-il. Mais, le 4 décembre, je l'ai précisément rencontré avec Harry sur les échelles du puits Yarow ! voilà dix jours de cela ! Et, depuis ce temps, il n'aurait pas reparu ! Cela expliquerait-il pourquoi mon camarade n'est pas venu à la fête d'Irvine ? »
Et, sans prendre le temps d'informer par lettre le président de Royal Institution de ce qu'il savait relativement à James Starr, le brave garçon sauta dans le train, avec l'intention bien arrêtée de se rendre tout d'abord au puits Yarow. Cela fait, il descendrait jusqu'au fond de la fosse Dochart, s'il le fallait, pour retrouver Harry, et avec lui l'ingénieur James Starr.