Jules Verne

Trois heures après, il quittait le train à la gare de Callander, et se dirigeait rapidement vers le puits Yarow.

« Ils n'ont pas reparu, se disait-il. Pourquoi ? Est-ce quelque obstacle qui les en a empêchés ? Est-ce un travail dont l'importance les retient encore au fond de la houillère ? Je le saurai ! »

Et Jack Ryan, allongeant le pas, arriva en moins d'une heure au puits Yarow.

Extérieurement, rien de changé. Même silence aux abords de la fosse. Pas un être vivant dans ce désert.

Jack Ryan pénétra sous l'appentis en ruine qui recouvrait l'orifice du puits. Il plongea son regard dans ce gouffre... Il ne vit rien. Il écouta... Il n'entendit rien.

« Et ma lampe ! s'écria-t-il. Ne serait-elle donc plus à sa place ? »

La lampe, dont Jack Ryan se servait pendant ses visites à la fosse, était ordinairement déposée dans un coin, près du palier de l'échelle supérieure.

Cette lampe avait disparu.

« Voilà une première complication ! » dit Jack Ryan, qui commença à devenir très inquiet.

Puis, sans hésiter, tout superstitieux qu'il fût :

« J'irai, dit-il, quand il devrait faire plus noir dans la fosse que dans le tréfonds de l'enfer ! »

Et il commença à descendre la longue suite d'échelles, qui s'enfonçaient dans le sombre puits.

Il fallait que Jack Ryan n'eût point perdu de ses anciennes habitudes de mineur, et qu'il connût bien la fosse Dochart, pour se hasarder ainsi. Il descendait prudemment d'ailleurs. Son pied tâtait chaque échelon, dont quelques-uns étaient vermoulus. Tout faux pas eût entraîné une chute mortelle, dans ce vide de quinze cents pieds. Jack Ryan comptait donc chacun des paliers qu'il quittait successivement pour atteindre un étage inférieur. Il savait que son pied ne toucherait la semelle de la fosse qu'après avoir dépassé le trentième. Une fois là, il ne serait pas gêné, pensait-il, de retrouver le cottage, bâti, comme on sait, à l'extrémité de la galerie principale.

Jack Ryan arriva ainsi au vingt-sixième palier, et, par conséquent, deux cents pieds, au plus, le séparaient alors du fond.

A cet endroit, il baissa la jambe pour chercher le premier échelon de la vingt-septième échelle. Mais sa jambe, se balançant dans le vide, ne trouva aucun point d'appui.

Jack Ryan s'agenouilla sur le palier. Il voulut saisir avec la main l'extrémité de l'échelle... Ce fut en vain.

Il était évident que la vingt-septième échelle ne se trouvait pas à sa place, et, par conséquent, qu'elle avait été retirée.

« Il faut que le vieux Nick ait passé par là ! » se dit-il, non sans éprouver un certain sentiment d'effroi.

Debout, les bras croisés, voulant toujours percer cette ombre impénétrable, Jack Ryan attendit. Puis, il lui vint à la pensée que, si lui ne pouvait descendre, les habitants de la houillère, eux, n'avaient pu remonter. Il n'existait plus, en effet, aucune communication entre le sol du comté et les profondeurs de la fosse. Si cet enlèvement des échelles inférieures du puits Yarow avait été pratiqué depuis sa dernière visite au cottage, qu'étaient devenus Simon Ford, sa femme, son fils et l'ingénieur ? L'absence prolongée de James Starr prouvait évidemment qu'il n'avait pas quitté la fosse depuis le jour où Jack Ryan s'était croisé avec lui dans le puits Yarow. Comment, depuis lors, s'était fait le ravitaillement du cottage ? Les vivres n'avaient-ils pas manqué à ces malheureux, emprisonnés à quinze cents pieds sous terre ?

Toutes ces pensées traversèrent l'esprit de Jack Ryan. Il vit bien qu'il ne pouvait rien par lui-même pour arriver jusqu'au cottage. Y avait-il eu malveillance dans ce fait que les communications étaient interrompues ? cela ne lui paraissait pas douteux. En tout cas, les magistrats aviseraient, mais il fallait les prévenir au plus vite.

Jack Ryan se pencha au-dessus du palier.

« Harry ! Harry ! » cria-t-il de sa voix puissante.

Les échos se renvoyèrent à plusieurs reprises le nom d'Harry, qui s'éteignit enfin dans les dernières profondeurs du puits Yarow.

Jack Ryan remonta rapidement les échelles supérieures, et revit la lumière du jour.