Ces plaines sont-elles composées de sables arides, ainsi que l'ont prétendu les premiers astronomes? Ne sont-elles que des forêts immenses, suivant l'opinion de M. Waren de la Rue, qui accorde à la Lune une atmosphère très basse mais très dense, c'est ce que nous saurons plus tard. N'affirmons rien avant d'être en droit d'affirmer.»
Cette mer des Nuées est assez douteusement délimitée sur les cartes. On suppose que cette vaste plaine est semée de blocs de lave vomis par les volcans voisins de sa partie droite, Ptolémée, Purbach, Arzachel. Mais le projectile s'avançait et se rapprochait sensiblement, et bientôt apparurent les sommets qui ferment cette mer à sa limite septentrionale. Devant se dressait une montagne rayonnante de toute beauté, dont la cime semblait perdue dans une éruption de rayons solaires.
«C'est?... demanda Michel.
--Copernic, répondit Barbicane.
--Voyons Copernic.»
Ce mont, situé par 9° de latitude nord et 20° de longitude est, s'élève à une hauteur de trois mille quatre cent trente-huit mètres au-dessus du niveau de la surface de la Lune. Il est très visible de la Terre, et les astronomes peuvent l'étudier parfaitement, surtout pendant la phase comprise entre le dernier quartier et la Nouvelle-Lune, parce qu'alors les ombres se projettent longuement de l'est vers l'ouest et permettent de mesurer ses hauteurs.
Ce Copernic forme le système rayonnant le plus important du disque après Tycho, situé dans l'hémisphère méridional. Il s'élève isolément, comme un phare gigantesque sur cette portion de la mer des Nuées qui confine à la mer des Tempêtes, et il éclaire sous son rayonnement splendide deux océans à la fois. C'était un spectacle sans égal que celui de ces longues traînées lumineuses, si éblouissantes dans la pleine Lune, et qui dépassant au nord les chaînes limitrophes, vont s'éteindre jusque dans la mer des Pluies. A une heure du matin terrestre, le projectile, comme un ballon emporté dans l'espace, dominait cette montagne superbe.
Barbicane put en reconnaître exactement les dispositions principales. Copernic est compris dans la série des montagnes annulaires de premier ordre, dans la division des grands cirques. De même que Képler et Aristarque, qui dominent l'océan des Tempêtes, il apparaît quelquefois comme un point brillant à travers la lumière cendrée et fut pris pour un volcan en activité. Mais ce n'est qu'un volcan éteint, ainsi que tous ceux de cette face de la Lune. Sa circonvallation présentait un diamètre de vingt-deux lieues environ. La lunette y découvrait des traces de stratifications produites par les éruptions successives, et les environs paraissaient semés de débris volcaniques dont quelques-uns se montraient encore au dedans du cratère.
«Il existe, dit Barbicane, plusieurs sortes de cirques à la surface de la Lune, et il est facile de voir que Copernic appartient au genre rayonnant. Si nous étions plus rapprochés, nous apercevrions les cônes qui le hérissent à l'intérieur, et qui furent autrefois autant de bouches ignivomes. Une disposition curieuse et sans exception sur le disque lunaire, c'est que la surface intérieure de ces cirques est notablement en contrebas de la plaine extérieure, contrairement à la forme que présentent les cratères terrestres. Il s'ensuit donc que la courbure générale du fond de ces cirques donne une sphère d'un diamètre inférieur à celui de la Lune.
--Et pourquoi cette disposition spéciale? demanda Nicholl.
--On ne sait, répondit Barbicane.
--Quel splendide rayonnement, répétait Michel. J'imagine difficilement que l'on puisse voir un plus beau spectacle!
--Que diras-tu donc, répondit Barbicane, si les hasards de notre voyage nous entraînent vers l'hémisphère méridional?
--Eh bien, je dirai que c'est encore plus beau!» répliqua Michel Ardan.
En ce moment, le projectile dominait le cirque perpendiculairement. La circonvallation de Copernic formait un cercle presque parfait, et ses remparts très escarpés se détachaient nettement. On distinguait même une double enceinte annulaire.