Jules Verne

Alcide Jolivet et Harry Blount assistaient naturellement à ce mariage, dont ils voulaient rendre compte à leurs lecteurs.

«Et cela ne vous donne pas envie de les imiter? demanda Alcide Jolivet à son confrère.

--Peuh! fit Harry Blount. Si, comme vous, j'avais une cousine!....

--Ma cousine n'est plus à marier! répondit en riant Alcide Jolivet.

--Tant mieux, ajouta Harry Blount, car on parle de difficultés qui vont surgir entre Londres et Péking.--Est-ce que vous n'avez pas envie d'aller voir ce qui se passe par là?

--Eh parbleu, mon cher Blount, s'écria Alcide Jolivet, j'allais vous le proposer!»

Et voilà comment les deux inséparables partirent pour la Chine!

Quelques jours après la cérémonie, Michel et Nadia Strogoff, accompagnés de Wassili Fédor, reprirent la route d'Europe. Ce chemin de douleurs à l'aller fut un chemin de bonheur au retour. Ils voyagèrent avec une extrême vitesse, dans un de ces traîneaux qui glissent comme un express sur les steppes glacées de la Sibérie.

Cependant, arrivés aux rives du Dinka, en avant de Birskoë, ils s'arrêtèrent un jour.

Michel Strogoff retrouva la place où il avait enterré le pauvre Nicolas. Une croix y fut plantée, et Nadia pria une dernière fois sur la tombe de l'humble et héroïque ami que ni l'un ni l'autre ne devaient jamais oublier.

A Omsk, la vieille Marfa les attendait dans la petite maison des Strogoff. Elle pressa dans ses bras et avec passion celle qu'elle avait déjà cent fois dans son coeur nommée sa fille. La courageuse Sibérienne eut, ce jour-là, le droit de reconnaître son fils et de se dire fière de lui.

Après quelques jours passés à Omsk, Michel et Nadia Strogoff rentrèrent en Europe, et, Wassili Fédor s'étant fixé à Saint-Pétersbourg, ni son fils ni sa fille n'eurent d'autre occasion de le quitter que pour aller voir leur vieille mère.

Le jeune courrier avait été reçu par le czar, qui l'attacha spécialement à sa personne et lui remit la croix de Saint-Georges.

Michel Strogoff arriva, par la suite, à une haute situation dans l'empire. Mais ce n'est pas l'histoire de ses succès, c'est l'histoire de ses épreuves qui méritait d'être racontée.