Jules Verne

Il fut constaté que les choses étaient telles qu'on les avait laissées. Les fissures des feuillets n'avaient subi aucune altération. L'hydrogène protocarboné fusait au travers, mais assez faiblement. Cela tenait sans doute à ce que, depuis la veille, il trouvait un libre passage pour s'épancher. Toutefois, cette émission était si peu importante, qu'elle ne pouvait former avec l'air intérieur un mélange détonant. James Starr et ses compagnons allaient donc pouvoir procéder en toute sécurité. D'ailleurs, cet air se purifierait peu à peu, en gagnant les hautes couches de la fosse Dochart, et le grisou, perdu dans toute cette atmosphère, ne pourrait plus produire aucune explosion.

« A l'oeuvre, donc ! » reprit Simon Ford.

Et bientôt, sous sa pince, vigoureusement maniée, la roche ne tarda pas à voler en éclats.

Cette faille se composait principalement de poudingues, interposés entre le grès et le schiste, tels qu'il s'en rencontre le plus souvent à l'affleurement des filons carbonifères.

James Starr ramassait les morceaux que l'outil abattait, et il les examinait avec soin, espérant y découvrir quelque indice de charbon.

Ce premier travail dura environ une heure. Il en résulta un évidement assez profond dans la paroi terminale.

James Starr choisit alors l'emplacement où devaient être forés les trous de mine, travail qui s'accomplit rapidement sous la main d'Harry avec le fleuret et la massette. Des cartouches de dynamite furent introduites dans ces trous. Dès qu'on y eut placé la longue mèche goudronnée d'une fusée de sûreté, qui aboutissait à une capsule de fulminate, elle fut allumée au ras du sol. James Starr et ses compagnons se mirent à l'écart.

« Ah ! monsieur James, dit Simon Ford, en proie à une véritable émotion qu'il ne cherchait pas à dissimuler, jamais, non, jamais mon vieux coeur n'a battu si vite ! Je voudrais déjà attaquer le filon !

-- Patience, Simon, répondit l'ingénieur, vous n'avez pas la prétention de trouver derrière cette paroi une galerie tout ouverte ?

-- Excusez-moi, monsieur James, répondit le vieil overman. J'ai toutes les prétentions possibles ! S'il y a eu bonne chance dans la manière dont Harry et moi nous avons découvert ce gîte, pourquoi cette chance ne continuerait-elle pas jusqu'au bout ? »

L'explosion de la dynamite se produisit. Un roulement sourd se propagea à travers le réseau des galeries souterraines.

James Starr, Madge, Harry et Simon Ford revinrent aussitôt vers la paroi de la caverne.

« Monsieur James ! monsieur James ! s'écria le vieil overman. voyez ! La porte est enfoncée !... »

Cette comparaison de Simon Ford était justifiée par l'apparition d'une excavation, dont on ne pouvait estimer la profondeur.

Harry allait s'élancer par l'ouverture...

L'ingénieur, extrêmement surpris, d'ailleurs, de trouver là cette cavité, retint le jeune mineur.

« Laisse le temps à l'air intérieur de se purifier, dit-il.

-- Oui ! gare aux mofettes ! » s'écria Simon Ford.

Un quart d'heure se passa dans une anxieuse attente. Le fanal, placé au bout d'un bâton, fut alors introduit dans l'excavation et continua de brûler avec un inaltérable éclat.

« Va donc, Harry, dit James Starr, nous te suivrons. » L'ouverture produite par la dynamite était plus que suffisante pour qu'un homme pût y passer.

Harry, le fanal à la main, s'y introduisit sans hésiter et disparut dans les ténèbres.

James Starr, Simon Ford et Madge, immobiles, attendaient.

Une minute -- qui leur parut bien longue -- s'écoula. Harry ne reparaissait pas, il n'appelait pas. En s'approchant de l'orifice, James Starr n'aperçut même plus la lueur de sa lampe, qui aurait dû éclairer cette sombre cavité.

Le sol avait-il donc manqué subitement sous les pieds d'Harry ? Le jeune mineur était-il tombé dans quelque anfractuosité ? Sa voix ne pouvait-elle plus arriver jusqu'à ses compagnons ?

Le vieil overman, ne voulant rien écouter, allait s'introduire à son tour par l'orifice, lorsque parut une lueur, vague d'abord, qui se renforça peu à peu, et Harry fit entendre ces paroles :

« Venez, monsieur Starr ! venez, mon père ! La route est libre dans la Nouvelle-Aberfoyle.