Puis, tout d'un coup, et d'un mouvement brusque :
« Donne ta lampe, Harry ! » dit-il.
Simon Ford prit la lampe d'une main qui s'agitait fébrilement. Il dévissa l'enveloppe de toile métallique qui entourait la mèche, et la flamme brûla à l'air libre.
Ainsi qu'on s'y attendait, il ne se produisit aucune explosion; mais, ce qui était plus grave, il ne se fit pas même ce léger grésillement, qui indique la présence du grisou à faible dose.
Simon Ford prit le bâton que tenait Harry, et, fixant la lampe à son extrémité, il l'éleva dans les couches d'air supérieures, là où le gaz, en raison de sa légèreté spécifique, aurait dû plutôt s'accumuler, en si minime quantité que ce fût.
La flamme de la lampe, droite et blanche, ne décela aucune trace d'hydrogène protocarboné.
« A la paroi ! dit l'ingénieur.
-- Oui ! » répondit Simon Ford, en portant la lampe sur cette partie de la paroi à travers laquelle son fils et lui avaient, la veille encore, constaté la fuite du gaz.
Le bras du vieux mineur tremblait, tandis qu'il essayait de promener la lampe à la hauteur des fissures du feuillet de schiste.
« Remplace-moi, Harry », dit-il.
Harry prit le bâton et présenta successivement la lampe aux divers points de la paroi où les feuillets semblaient se dédoubler... mais il secouait la tête, car ce léger craquement, particulier au grisou qui s'échappe, n'arrivait pas à son oreille.
L'inflammation ne se fit pas. Il était donc évident qu'aucune molécule de gaz ne fusait à travers la paroi.
« Rien ! » s'écria Simon Ford, dont le poing se tendit sous une impression de colère plutôt que de désappointement.
Un cri s'échappa alors de la bouche d'Harry.
« Qu'as-tu ? demanda vivement James Starr.
-- On a bouché les fissures du schiste !
-- Dis-tu vrai ? s'écria le vieux mineur.
-- Regardez, père ! »
Harry ne s'était pas trompé. L'obturation des fissures était nettement visible à la lumière de la lampe. Un lutage, récemment pratiqué et fait à la chaux, laissait voir sur la paroi une longue trace blanchâtre, mal dissimulée sous une couche de poussière de charbon.
« Lui ! s'écria Hardy. Ce ne peut être que lui !
-- Lui ! répéta James Starr.
-- Oui ! répondit le jeune homme, cet être mystérieux qui hante notre domaine, celui que j'ai cent fois guetté sans pouvoir l'atteindre, l'auteur, dès à présent certain, de cette lettre qui voulait vous empêcher de venir au rendez-vous que vous donnait mon père, monsieur Starr, celui, enfin, qui nous a lancé cette pierre dans la galerie du puits Yarow ! Ah ! aucun doute n'est plus possible ! La main d'un homme est dans tout cela ! »
Harry avait parlé avec une telle énergie, que sa conviction passa instantanément et tout entière dans l'esprit de l'ingénieur. Quant au vieil overman, il n'était plus à convaincre. D'ailleurs, on se trouvait en présence d'un fait indéniable : l'obturation des fissures à travers lesquelles le gaz s'échappait librement la veille.
« Prends ton pic, Harry, s'écria Simon Ford. Monte sur mes épaules, mon garçon ! Je suis assez solide encore pour te porter ! »
Harry avait compris. Son père s'accota à la paroi. Harry s'éleva sur ses épaules, de manière que son pic pût atteindre la trace suffisamment visible du lutage. Puis, à coups redoublés, il entama la partie de roche schisteuse que ce lutage recouvrait.
Aussitôt un léger pétillement se produisit, semblable à celui que fait le vin de Champagne lorsqu'il s'échappe d'une bouteille,-- bruit qui, dans les houillères anglaises, est connu sous le nom onomatopique de « puff ».
Harry saisit alors sa lampe, et il l'approcha de la fissure...
Une légère détonation se fit entendre, et une petite flamme rouge, un peu bleuâtre à son contour, voltigea sur la paroi, comme eût fait un follet de feu Saint-Elme.
Harry sauta aussitôt à terre, et le vieil overman, ne pouvant contenir sa joie, saisit les mains de l'ingénieur, en s'écriant :
« Hurrah ! hurrah ! hurrah ! monsieur James ! Le grisou brûle ! Donc, le filon est là ! »
VIII
Un coup de dynamite
L'experience annoncée par le vieil overman avait réussi.