Jules Verne

«Nous voilà dans un joli embarras! dit le Hollandais.

--Et mon oncle donc! répondit Ahmet. Nous ne pouvons pourtant par l'abandonner!»

Vingt minutes après, le train de Tiflis, descendant sur Poti, passait devant eux. Ils regardèrent....

A la fenêtre d'un compartiment, apparaissait la tête ébouriffée du seigneur Kéraban, rouge de fureur, les yeux injectés, hors de lui, non moins parce qu'il avait été arrêté que parce que, pour la première fois de sa vie, ces féroces Cosaques l'obligeaient à voyager en chemin de fer!

Mais il importait de ne pas le laisser seul dans cette situation. Il fallait au plus vite le tirer de ce mauvais pas, où son seul entêtement l'avait conduit, et ne pas compromettre le retour à Scutari par un retard qui pouvait peut-être se prolonger.

Laissant donc les débris de la chaise dont on ne pouvait plus faire usage, Ahmet et ses compagnons louèrent une charrette, le postillon y attela ses chevaux, et, aussi rapidement que cela était possible, ils s'élancèrent sur la route de Poti.

C'étaient six lieues à faire. Elles furent franchies en deux heures.

Ahmet et Van Mitten, dès qu'ils eurent atteint la bourgade, se dirigèrent vers la maison de police, afin d'y réclamer l'infortuné Kéraban et lui faire rendre la liberté.

Là, ils apprirent une chose, qui ne laissa pas de les rassurer dans une certaine mesure, aussi bien sur le sort réservé au délinquant que sur l'éventualité de nouveaux retards.

Le seigneur Kéraban, après avoir payé une forte amende pour la contravention d'abord, pour la résistance aux agents ensuite, avait été remis entre les mains des Cosaques, puis dirigé sur la frontière.

Il s'agissait donc de l'y rejoindre au plus tôt, et, dans ce but, de se procurer un moyen de transport.

Quant au seigneur Saffar, Ahmet voulut s'informer de ce qu'il était devenu.

Le seigneur Saffar avait déjà quitté Poti. Il venait de s'embarquer sur le steamer qui fait escale aux diverses échelles de l'Asie Mineure. Mais Ahmet ne put apprendre où allait ce hautain personnage, et il ne vit plus à l'horizon que la dernière traînée de vapeur du bâtiment qui l'emportait vers Trébizonde.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

TABLE DE MATIÈRES

I. Dans lequel Van Mitten et son valet Bruno se promènent, regardent, causent, sans rien comprendre à ce qui se passe.

II. Où l'intendant Scarpante et le capitaine Yarhud s'entretiennent de projets qu'il est bon de connaître.

III. Dans lequel le seigneur Kéraban est tout surpris de se rencontrer avec son ami Van Mitten.

IV. Dans lequel le seigneur Kéraban, encore plus entêté que jamais, tient tête aux autorité Ottomanes.

V. Où le seigneur Kéraban discute à sa façon la manière dont il entend les voyages et quitte Constantinople.

VI. Où les voyageurs commencent à éprouver quelques difficultés, principalement dans le delta du Danube.

VII. Dans lequel les chevaux de la chaise font par peur ce qu'il n'ont pu faire sous le fouet du postillion.

VIII. Où le lecteur fera volontiers connaissance avec la jeune Amasia et son fiancé Ahmet.

IX. Dans lequel il s'en faut bien peu que le plan du capitaine Yarhud ne réussisse.

X. Dans lequel Ahmet prend une énergique résolution, commandée, d'ailleurs, par les circonstances.

XI. Dans lequel il se mêle un peu de drâme à cette fantaisiste histoire de voyage.

XII. Dans lequel Van Mitten raconte une histoire de tulipes, qui intéressera peut-être le lecteur.

XIII. Dans lequel on traverse obliquement l'ancienne Tauride, et avec quel attelage on en sort.

XIV. Dans lequel le seigneur Kéraban se montre plus fort en géographie que ne le croyait son neveu Ahmet.

XV. Dans lequel le seigneur Kéraban, Ahmet, Van Mitten et leurs serviteurs jouent le rôle de salamandres.

XVI. Où il est question de l'excellence des tabacs de la Perse et de l'Asie mineure.

XVII. Dans lequel il arrive une aventure des plus graves, qui termine la première partie de cette histoire.