Jules Verne

La nébuleuse, dont les astronomes comptent près de cinq mille actuellement, était formée.

Parmi ces cinq mille nébuleuses, il en est une que les hommes ont nommée la Voie lactée [Du mot grec \(\gamma\acute{\alpha}\lambda\alpha\), gén. \(\gamma\acute{\alpha}\lambda\alpha\kappa\tau o\varsigma\), qui signifie lait.], et qui renferme dix-huit millions d'étoiles, dont chacune est devenue le centre d'un monde solaire.

Si l'observateur eût alors spécialement examiné entre ces dix-huit millions d'astres l'un des plus modestes et des moins brillants [Le diamètre de Sirius, suivant Wollaston, doit égaler douze fois celui du Soleil, soit 4,300,000 lieues.], une étoile de quatrième ordre, celle qui s'appelle orgueilleusement le Soleil, tous les phénomènes auxquels est due la formation de l'univers se seraient successivement accomplis à ses yeux.

En effet, ce Soleil, encore à l'état gazeux et composé de molécules mobiles, il l'eût aperçu tournant sur son axe pour achever son travail de concentration. Ce mouvement, fidèle aux lois de la mécanique, se fût accéléré avec la diminution de volume, et un moment serait arriv où la force centrifuge l'aurait emporté sur la force centripète, qui tend à repousser les molécules vers le centre.

Alors un autre phénomène se serait passé devant les yeux de l'observateur, et les molécules situées dans le plan de l'équateur, s'échappant comme la pierre d'une fronde dont la corde vient à se briser subitement, auraient été former autour du Soleil plusieurs anneaux concentriques semblables à celui de Saturne. A leur tour, ces anneaux de matière cosmique, pris d'un mouvement de rotation autour de la masse centrale, se seraient brisés et décomposés en nébulosités secondaires, c'est-à-dire en planètes.

Si l'observateur eût alors concentré toute son attention sur ces planètes, il les aurait vues se comporter exactement comme le Soleil et donner naissance à un ou plusieurs anneaux cosmiques, origines de ces astres d'ordre inférieur qu'on appelle satellites.

Ainsi donc, en remontant de l'atome à la molécule, de la molécule l'amas nébuleux, de l'amas nébuleux à la nébuleuse, de la nébuleuse l'étoile principale, de l'étoile principale au Soleil, du Soleil à la planète, et de la planète au satellite, on a toute la série des transformations subies par les corps célestes depuis les premiers jours du monde.

Le Soleil semble perdu dans les immensités du monde stellaire, et cependant il est rattaché, par les théories actuelles de la science, la nébuleuse de la Voie lactée. Centre d'un monde, et si petit qu'il paraisse au milieu des régions éthérées, il est cependant énorme, car sa grosseur est quatorze cent mille fois celle de la Terre. Autour de lui gravitent huit planètes, sorties de ses entrailles mêmes aux premiers temps de la Création. Ce sont, en allant du plus proche de ces astres au plus éloigné, Mercure, Vénus, la Terre, Mars Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. De plus entre Mars et Jupiter circulent régulièrement d'autres corps moins considérables, peut-être les débris errants d'un astre brisé en plusieurs milliers de morceaux, dont le télescope a reconnu quatre-vingt-dix-sept jusqu'à ce jour. [Quelques-uns de ces astéroïdes sont assez petits pour qu'on puisse en faire le tour dans l'espace d'une seule journée en marchant au pas gymnastique.]

De ces serviteurs que le Soleil maintient dans leur orbite elliptique par la grande loi de la gravitation, quelques-uns possèdent à leur tour des satellites. Uranus en a huit, Saturne huit, Jupiter quatre, Neptune trois peut-être, la Terre un; ce dernier, l'un des moins importants du monde solaire, s'appelle la Lune, et c'est lui que le génie audacieux des Américains prétendait conquérir.

L'astre des nuits, par sa proximité relative et le spectacle rapidement renouvelé de ses phases diverses, a tout d'abord partag avec le Soleil l'attention des habitants de la Terre; mais le Soleil est fatigant au regard, et les splendeurs de sa lumière obligent ses contemplateurs à baisser les yeux.