J.-T. Maston, Blomsberry frère, l'ingénieur Murchison, sans se soucier de ces dangers, prirent place dans les chambres à air. Le commandant placé sur sa passerelle, présidait à l'opération, prêt à stopper ou à haler ses chaînes au moindre signal. L'hélice avait été désembrayée, et toute la force des machines portée sur le cabestan eut rapidement ramené les appareils à bord.
La descente commença à une heure vingt-cinq minutes du soir, et la chambre, entraînée par ses réservoirs remplis d'eau, disparut sous la surface de l'Océan.
L'émotion des officiers et des matelots du bord se partageait maintenant entre les prisonniers du projectile et les prisonniers de l'appareil sous-marin. Quant à ceux-ci, ils s'oubliaient eux-mêmes, et, collés aux vitres des hublots, ils observaient attentivement ces masses liquides qu'ils traversaient.
La descente fut rapide. A deux heures dix-sept minutes, J.-T. Maston et ses compagnons avaient atteint le fond du Pacifique. Mais ils ne virent rien, si ce n'est cet aride désert que ni la faune ni la flore marine n'animaient plus. A la lumière de leurs lampes munies de réflecteurs puissants, ils pouvaient observer les sombres couches de l'eau dans un rayon assez étendu, mais le projectile restait invisible à leurs yeux.
L'impatience de ces hardis plongeurs ne saurait se décrire. Leur appareil étant en communication électrique avec la corvette, ils firent un signal convenu, et la _Susquehanna_ promena sur l'espace d'un mille leur chambre suspendue à quelques mètres au-dessus du sol.
Ils explorèrent ainsi toute la plaine sous-marine, trompés à chaque instant par des illusions d'optique qui leur brisaient le coeur. Ici un rocher, là une extumescence du fond, leur apparaissaient comme le projectile tant cherché; puis, ils reconnaissaient bientôt leur erreur et se désespéraient.
«Mais où sont-ils? où sont-ils?» s'écriait J.-T. Maston.
Et le pauvre homme appelait à grands cris Nicholl, Barbicane, Michel Ardan, comme si ses infortunés amis eussent pu l'entendre ou lui répondre à travers cet impénétrable milieu!
La recherche continua dans ces conditions, jusqu'au moment où l'air vicié de l'appareil obligea les plongeurs à remonter.
Le halage commença vers six heures du soir, et ne fut pas terminé avant minuit.
«A demain, dit J.-T. Maston, en prenant pied sur le pont de la corvette.
--Oui, répondit le capitaine Blomsberry.
--Et à une autre place.
--Oui.»
J.-T. Maston ne doutait pas encore du succès, mais déjà ses compagnons, que ne grisait plus l'animation des premières heures, comprenaient toute la difficulté de l'entreprise. Ce qui semblait facile à San Francisco, paraissait ici, en plein Océan, presque irréalisable. Les chances de réussite diminuaient dans une grande proportion, et c'est au hasard seul qu'il fallait demander la rencontre du projectile.
Le lendemain, 24 décembre, malgré les fatigues de la veille, l'opération fut reprise. La corvette se déplaça de quelques minutes dans l'ouest, et l'appareil, pourvu d'air, entraîna de nouveau les mêmes explorateurs dans les profondeurs de l'Océan.
Toute la journée se passa en infructueuses recherches. Le lit de la mer était désert. La journée du 25 n'amena aucun résultat. Aucun, celle du 26.
C'était désespérant. On songeait à ces malheureux enfermés dans le boulet depuis vingt-six jours! Peut-être, en ce moment, sentaient-ils les premières atteintes de l'asphyxie, si toutefois ils avaient échappé aux dangers de leur chute! L'air s'épuisait, et, sans doute, avec l'air, le courage, le moral!
«L'air, c'est possible, répondait invariablement J.-T. Maston, mais le moral, jamais.»
Le 28, après deux autres jours de recherches, tout espoir était perdu. Ce boulet, c'était un atome dans l'immensité de la mer! Il fallait renoncer à le retrouver.
Cependant, J.-T. Maston ne voulait pas entendre parler de départ. Il ne voulait pas abandonner la place sans avoir au moins reconnu le tombeau de ses amis. Mais le commandant Blomsberry ne pouvait s'obstiner davantage, et, malgré les réclamations du digne secrétaire, il dut donner l'ordre d'appareiller.